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L'évolution du projet 2006-2014
Table rase (texte d’origine)
Il n’y a pas de mémoire, d’histoire aux choses et aux récits,
s’il n’y a pas de sens trouvé ou retrouvé, si on perd
l’origine, l’histoire vacille, la mémoire chancelle.
Les animations, mes nappes sont des traces de ce qui a
été porteur de sens et de ce qui reste quand c’est fini,
de ce que je me rappelle, c’est ce qui reste visuellement
et plastiquement.
Table rase est la représentation d’une table dont on a
retiré le couvert et dont il ne reste que des ombres.
« Avec Table rase, la lumière incarne le vide (au sens de
l’absence), tandis que, grâce au dessin, l’ombre devient
présence. Ces moments, telle une suite, forment une
animation vidéo.
Table rase c’est peut-être une manière de signifier qu’à
force de faire table rase du passé, on a vidé les choses de
leur essence, de souligner l’importance de l’origine des
choses.» M. Rashdi 1
Thématique :
L’origine des choses. Mémoire-présent / réalité-transformation.
Processus :
Dialectique de l’absence et de la présence. Dialectique
de réalité et de sa transformation.
2006-2007
Les ombres dessinées bien que fidèles à la forme de
leur projection, une fois les objets disparus, prennent
une dimension végétale, comme le jeu de clair-obscur
des feuillages derrière les paupières closes, elles laissent
derrière elles autre chose, capacité étonnamment libre
que notre mémoire nous offre, en se les appropriant le
souvenir délivre une partie de rêve. Une partie des animations
sont montées en négatif, elles se rapprochent
des photogrammes de Moholy-Nagy.
« Rendre visible, des objets que notre élément optique,
l’oeil, ne peut ni percevoir, ni fixer pour l’éternité »
(Laszlo Moholy-Nagy, Malerei, Photographie, Film, Bauhausbuch
n°8. Munich, 1925, p22)
2013
Table Rase In situ, dans le cadre de Nuit Résonance de
la Biennale de Lyon ...
Exposition collective : « Poteau d’angle », Villeurbanne.
Dix-sept artistes occupent une maison familiale
construite à la fin du XIXe siècle, reconvertie en atelier.
Terrain ouvert à un travail de juxtapositions, la maison
devient le support de réalisations collectives spécifiques.
L’installation prend place dans l’ancienne salle à manger
de la maison où a lieu l’exposition. Elle se compose de
deux nappes réalisées en 2006-2007, mémoire du travail
d’origine. Les « tables rases » sont suspendues dans l’espace.
Elles flottent à hauteur de hanche, elles oscillent,
au gré des déplacements d’air, légères et fragiles entre
réalité et rêve.
Parmi elles, il y a une table de rétroprojection fabriquée
spécialement pour les animations vidéo des napperons,
l’échelle 1 des napperons est conservée.
Les animations retracent le processus d’apparition du
dessin des ombres et de disparition de l’objet qui les
a produites. Tandis que les napperons créés pour l’occasion
investissent le mur, accrochés simplement avec
des épingles qui les laissent flotter, ils sont disposés en
nuage. Sur la cheminée, quatre céramiques d’ombres
modelées sont disposés autour d’un verre de la maison,
transformé en chandelier.
L’année 2014 marque un tournant décisif pour le
projet «Table Rase» :
Empilements d’objets et déformation des ombres portées,
interventions participatives, gestes et traces d’empilements,
travail sur l’instant présent par les matériaux,
par le son et le rythme des animations par l’instant figé des céramiques et dessins…
Toutes ces étapes me mènent à la transformation et la
différenciation des supports de monstration.
Qu’en sera-t-il des futures installations ?
Mes questions
tournent autour de l’autonomie des différentes pièces
par rapport à leur support, leur média, mises en regards
les unes aux autres, leur dialogue entre elles et l’espace
qui les accueille.
Je continue de faire évoluer le projet Table Rase sous
différentes formes et matériaux. J’utilise la céramique
comme support pour travailler les ombres en modelage.
Au contraire de l’encre et du papier moulé, le matériau
fait apparaître les ombres portées en lumière rasante,
la perception du dessin par le modelage n’est plus instantané,
il nécessite un effort, une attention particulière,
pour découvrir le dessin modelé, le matériau rend l’objet
encore plus proche du moulage, comme figé à l’instant
« T » dans le temps.
Je privilégie les empilements de verre pour créer des
ombres portées déformées. Ces petites constructions
éphémères et fragiles se transforment au fil des empilements
et déplacements des verres, de leur contenu. Je
travaille sur l’instant présent forcément morcelé, sans
cesse en devenir.
J’introduis des bandes sons qui sont en rapport à ce
rythme de l’instant, laissant intervenir des accidents, des
hasards lors de la construction des empilements. J’insère
des interventions participatives de personnes extérieures
qui placent les verres et les empilent, les traces
de leurs mouvements et présences sont présentes sur
les animations.
Les animations, sont alors traitées en négatif lors du
montage. Ce traitement s’ajoute aux transformations
formelles des dessins des ombres déformées. Les gros
plans sur l’apparition des ombres modelées rythment
les animations et font disparaître le support en tant
qu’objet. Petit à petit, il n’est plus question de fidélité
formelle au procédé de représentation dans l’animation
vidéo. L’écart se creuse et montre la différence entre
l’objet réalisé et l’animation qui devient totalement autonome,
libre de répondre à l’objet par son esthétique
et sa forme transformée, comme une création à part
entière. Note 1- Ce texte est tiré d’un échange épistolaire sur ce projet, en
2006.
Mohamed Rachdi est Docteur en arts plastiques à Paris I Sorbonne.
Il. Chercheur en Art et Sciences de l’art. Artiste plasticien,
critique d’art, théoricien et commissaire d’expositions.
Fondateur du Réseau-d’Art-Recherche-et-Essai (le-RARE),
observatoire de recherches et d’analyses et laboratoire de
production et de diffusion.
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